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Abus de dépendance économique en Belgique

Une nouvelle catégorie d’infraction au droit de la concurrence pouvant donner lieu à des demandes de dommages et intérêts

Écrit par Florine Verhaegen

Le concept de « dépendance économique » n’a pas d’équivalent en droit européen de la concurrence. Toutefois, le Règlement 1/2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence[1] permet aux Etats membres d’adopter et de mettre en œuvre sur leur territoire des lois nationales plus strictes en matière de concurrence qui interdisent ou sanctionnent les actes unilatéraux des entreprises. Plusieurs Etats membres ont profité de cette possibilité pour introduire, à côté de la notion existante d’abus de position dominante, la notion d’abus de dépendance économique dans leur droit national de la concurrence. C’est notamment le cas de la France, l’Allemagne, l’Italie et, depuis la semaine dernière, également de la Belgique.

La nouvelle loi relative à l’abus de dépendance économique entre en vigueur en Belgique

Faisant suite à la publication de l’Arrêté Royal modifiant les livres Ier et IV du Code de droit économique belge (« CDE »), l’interdiction des abus de dépendance économique est entrée en vigueur le 22 août 2020.

Belgian flag

La nouvelle disposition vient s’ajouter à l’interdiction existante des abus de position dominante et est soumise à trois conditions cumulatives :

  1. l’existence d'une position de dépendance économique entre entreprises,
  2. un abus de cette position et
  3. une affectation de la concurrence sur le marché belge ou une partie substantielle de celui-ci.

La nouvelle loi définit la notion de dépendance économique comme une 

« position de sujétion d’une entreprise à l’égard d’une ou plusieurs autres entreprises caractérisée par l’absence d’alternative raisonnablement équivalente et disponible dans un délai, à des conditions et à des coûts raisonnables, permettant à celle-ci ou à chacune de celles-ci d’imposer des prestations ou des conditions qui ne pourraient pas être obtenues dans des circonstances normales de marché »[2] .

Une telle situation de dépendance économique peut résulter de divers facteurs et sera évaluée au cas par cas. Une liste non exhaustive d’abus, similaire à celle qui figure à l’article 102 TFUE et à son équivalent belge, l’article IV.2 CDE, fait référence aux types de comportement suivants : le refus d’une vente ou d’un achat ; l’imposition de conditions de transaction non équitables ; la limitation de la production, des débouchés ou du développement technique; le fait d’appliquer à l’égard de partenaires économiques des conditions inégales à des prestations équivalentes; ainsi que certaines ventes liées ou groupées. D’autres pratiques peuvent également entrer dans le champ d’application de l’interdiction. Bien que les exigences soient différentes, l’Autorité belge de la concurrence ("ABC") et les tribunaux belges devraient ainsi pouvoir s’appuyer sur la jurisprudence existante en matière d’abus de position dominante pour appliquer les nouvelles règles sur l’abus de dépendance économique.

Competition

L’ABC a le pouvoir d'imposer des amendes pouvant aller jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel d’une entreprise réalisé sur le marché belge en cas d’abus de sa position de dépendance économique. Ce montant est inférieur à l’amende pour abus de position dominante, pour lequel l’ABC peut imposer des amendes allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise concernée.

L’ABC est compétente pour les abus de dépendance économique commis après l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, qui n’a pas d’effet rétroactif. La violation de cette disposition est désormais considérée comme une nouvelle catégorie d’infraction anticoncurrentielle. Les autorités belges de la concurrence disposent par conséquent des mêmes compétences d’enquête pour sanctionner les abus de dépendance économique que les autres infractions au droit de la concurrence. Par ailleurs, les décisions définitives de l’ABC en matière d’abus de dépendance économique seront également contraignantes pour les cours et tribunaux belges.

Outre l’action publique menée par les autorités de la concurrence, un abus de position de dépendance économique peut également donner lieu à des actions de droit privé.

L’abus de dépendance économique peut donner lieu à des actions de droit privé

Les entreprises victimes d’abus de dépendance économique peuvent s’adresser aux tribunaux pour défendre leurs propres intérêts et se prévaloir d’actions en cessation, en annulation du contrat et/ou en dommages et intérêts.

Etant donné qu’une situation de dépendance économique est possible face à une entreprise qui n’est pas en position dominante, le nombre de cas d’entreprises qui pourraient s’estimer lésées par le comportement de leur partenaire commercial (fournisseur, client, etc.) sera beaucoup plus important qu’auparavant et il reste à voir de quelle façon l’ABC et les tribunaux appliqueront cette nouvelle règle.

Le temps nous dira comment l’interdiction de l’abus de dépendance économique sera mis en œuvre en Belgique, mais la nouvelle loi offre une possibilité de réparation pour une catégorie supplémentaire d’infraction au droit de la concurrence. A partir de maintenant, des demandes de dommages et intérêts privés pourront donc aussi être formulées devant les tribunaux belges pour obtenir réparation du préjudice subi à la suite d’un abus de dépendance économique.

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[1]Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, considérant (8).

[2]Article I.6, 12bis du CDE